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L'espace d'Atoum

« J'étais solitaire dans le Nouou et inerte. Je ne trouvais pas d'endroit où je puisse me tenir debout, je ne trouvais pas de lieu où je puisse m'asseoir. La ville d'Héliopolis où je devais résider n'était pas encore fondée, le trône sur lequel je devais m'asseoir n'était pas encore formé...."

L'avion foudroyé : Cause d'exonération de l'obligation d'indemniser le passager

Le Règlement (CE) n° 261/2004 du Parlement européen et du Conseil du 11 février 2004 établit des règles communes en matière d'indemnisation et d'assistance des passagers en cas de refus d'embarquement et d'annulation ou de retard important d'un vol.

Il s'agit pour la Communauté de garantir un niveau élevé de protection des passagers, des consommateurs en général dans le domaine des transports aériens.

Un arrêt rendu par la Première chambre civile de la Cour de cassation en date du 13 septembre 2018 est l'occasion d'aborder les conditions d'application du Règlement pour obtenir réparation.

En l'espèce, un couple de consommateurs achète des billets dont le départ de Bordeaux est prévu à 13h45 et l'arrivée à Nice fixée à 15h05.

Leur avion est arrivé à destination avec un retard de trois heures ou plus, en l’occurrence, plus de cinq heures.

Il assigne le transporteur aérien aux fins d’indemnisation de leurs préjudices, sur le fondement de l’article 7 du règlement (CE) n° 261/2004 du Parlement européen et du Conseil du 11 février 2004 établissant des règles communes en matière d’indemnisation et d’assistance des passagers en cas de refus d’embarquement et d’annulation ou de retard important d’un vol.

Par jugement rendu le 26 septembre 2016, en dernier ressort, la juridiction de proximité rejettent leurs demandes aux motifs :

  • que le transporteur aérien justifiait de "circonstances particulières"
  • que leur contestation de la mise en oeuvre des mesures raisonnables par le transporteur ne pouvait être prise en compte faute d’être étayée par un avis d’expert".

La question posée :

Un phénomène naturel est-il une circonstance exceptionnelle exonérant le transporteur aérien de son devoir d'indemniser le passager pour le retard subi ?

En l’occurrence, l'avion foudroyé excuse-t-il le transporteur aérien de son retard ?

Oui répond la Cour de cassation :

  • L’avion stationné à l’aéroport de Bordeaux-Mérignac, dans lequel M. et Mme X... devaient embarquer, avait été foudroyé. Il y a donc existence de circonstances extraordinaires, au sens de l’article 5, paragraphe 3, de nature à exonérer le transporteur aérien du paiement de l’indemnisation prévue à l’article 7, peu important que le juge du fond se soit référé, par suite d’une erreur de plume, à des circonstances particulières.

Pour la confirmation du jugement, les Hauts magistrats judiciaire se sont conformés à la Réglementation de l'Union européenne et à la jurisprudence rendue par les Juges Luxembourgeois.

I- Les conditions d'application du Règlement

A- Le champ d'application

1- Le passager

L'article 3

Le passager doit partir d'un aéroport situé sur le territoire d'un Etat membre ou d'un pays tiers mais à destination d'un aéroport situé sur le territoire communautaire "à moins que ces passagers ne bénéficient de prestations ou d'une indemnisation et d'une assistance dans ce pays tiers, si le transporteur aérien effectif qui réalise le vol est un transporteur communautaire".

Il dispose d'une réservation confirmée pour le vol concerné et se présente à l'enregistrement dans les conditions prévues indiquée à l'avance et par écrit par le transporteur aérien, l'organisateur de voyages (Hors annulation visée à l'article 5).

Le passager qui voyage gratuitement ou à un tarif réduit indirectement accessible au public est exclu de cette protection (Hors programmes de fidélisation ou autres commerciaux).

2- Les situations visées

En cas de refus d'embarquement contre leur volonté

Article 4

1. Lorsqu'un transporteur aérien effectif prévoit raisonnablement de refuser l'embarquement sur un vol, il fait d'abord appel aux volontaires acceptant de renoncer à leur réservation en échange de certaines prestations, suivant des modalités à convenir entre les passagers concernés et le transporteur aérien effectif. Les volontaires bénéficient, en plus des prestations mentionnées au présent paragraphe, d'une assistance conformément à l'article 8.

2. Lorsque le nombre de volontaires n'est pas suffisant pour permettre l'embarquement des autres passagers disposant d'une réservation, le transporteur aérien effectif peut refuser l'embarquement de passagers contre leur volonté.

3. S'il refuse des passagers à l'embarquement contre leur volonté, le transporteur aérien effectif indemnise immédiatement ces derniers conformément à l'article 7, et leur offre une assistance conformément aux articles 8 et 9.

En cas d'annulation de leur vol

Article 5

1. En cas d'annulation d'un vol, les passagers concernés :

  • se voient offrir par le transporteur aérien effectif une assistance,
  • ont droit à une indemnisation du transporteur aérien effectif conformément là l'article 7, à moins qu'ils soient informés de l'annulation du vol :

au moins deux semaines avant l'heure de départ prévue, ou

de deux semaines à sept jours avant l'heure de départ prévue si on leur offre un réacheminement leur permettant de partir au plus tôt deux heures avant l'heure de départ prévue et d'atteindre leur destination finale moins de quatre heures après l'heure d'arrivée prévue, ou

moins de sept jours avant l'heure de départ prévue si on leur offre un réacheminement leur permettant de partir au plus tôt une heure avant l'heure de départ prévue et d'atteindre leur destination finale moins de deux heures après l'heure prévue d'arrivée.

2. Lorsque les passagers sont informés de l'annulation d'un vol, des renseignements leur sont fournis concernant d'autres transports possibles.

3. Un transporteur aérien effectif n'est pas tenu de verser l'indemnisation prévue à l'article 7 s'il est en mesure de prouver que l'annulation est due à des circonstances extraordinaires qui n'auraient pas pu être évitées même si toutes les mesures raisonnables avaient été prises.

4. Il incombe au transporteur aérien effectif de prouver qu'il a informé les passagers de l'annulation d'un vol ainsi que le délai dans lequel il l'a fait.

En cas de vol retardé

Article 6

1. Lorsqu'un transporteur aérien effectif prévoit raisonnablement qu'un vol sera retardé par rapport à l'heure de départ prévue:

a) de deux heures ou plus pour tous les vols de 1500 kilomètres ou moins, ou

b) de trois heures ou plus pour tous les vols intracommunautaires de plus de 1500 km et pour tous les autres vols de 1500 à 3500 km, ou

c) de quatre heures ou plus pour tous les vols qui ne relèvent pas des points a) ou b),

les passagers se voient proposer par le transporteur aérien effectif:

i) l'assistance prévue à l'article 9, paragraphe 1, point a), et paragraphe 2, et

ii) lorsque l'heure de départ raisonnablement attendue est au moins le jour suivant l'heure de départ initialement annoncée, l'assistance prévue à l'article 9, paragraphe 1, points b) et c), et

iii) lorsque le retard est d'au moins cinq heures, l'assistance prévue à l'article 8, paragraphe 1, point a).

2. En tout état de cause, cette assistance est proposée dans les limites fixées ci-dessus compte tenu de la distance du vol.

B- Le droit au transport

1- Définitions du transporteur et de l'organisateur de voyages concernés

Le transporteur aérien possède la licence d'exploitation en cours de validité. Il réalise ou à l'intention de réaliser un vol dans le cadre d'un contrat conclu avec un passager ou au nom d'une autre personne, morale ou physique qui a conclu un contrat avec ce passager.

Il est communautaire si la licence d'exploitation en cours de validité est délivrée par un État membre conformément aux dispositions du règlement (CEE) n° 2407/92 du Conseil du 23 juillet 1992 concernant les licences des transporteurs aériens.

Quant à l'organisateur de voyages, il s'agit d'une personne qui, de façon non occasionnelle, organise des forfaits et les vend ou offre à la vente directement ou par l'intermédiaire d'un détaillant (Article 2 point 2 de la directive 90/314/CEE du 13 juin 1990 concernant les voyages, vacances et circuits à forfait).

2- Le forfait et le billet

L'article 2 point 1 de la directive 90/314/CEE définit le forfait comme la combinaison préalable d'au moins deux des éléments suivants, lorsqu'elle est vendue ou offerte à la vente à un prix tout compris et lorsque cette prestation dépasse vingt-quatre heures ou inclut une nuitée :

  • transport;
  • logement;
  • autres services touristiques non accessoires au transport ou au logement représentant une part significative dans le forfait.

Pour le rendu de la décision C-400/00 du 30 avril 2002 dont les questions préjudicielles étaient les suivantes :

  • "Faut-il considérer que les voyages organisés par une agence, à la demande et sur l'initiative du consommateur ou d'un groupe restreint de consommateurs, et conformément à leurs spécifications, relèvent du champ d'application de la notion visée à l'article 2, point 1, de la directive communautaire sur 'les voyages à forfait', lorsque ces voyages incluent le transport et le logement dans une entreprise touristique, à un prix tout compris et pour une période supérieure à 24 heures ou incluant une nuitée?
  • La notion de 'combinaison préalable' employée dans cette disposition peut-elle être interprétée comme se référant au moment où le contrat est conclu entre l'agence et le client?"

La Cour de justice de la Communauté européenne (CJUE) précise que :

La notion de «forfait» visée à l'article 2, point 1, de la directive doit être interprétée en ce sens qu'elle inclut les voyages organisés par une agence de voyages à la demande et conformément aux spécifications d'un consommateur ou d'un groupe restreint de consommateurs.

Elle relève que :

  • "la directive, qui vise notamment à protéger les consommateurs qui achètent des voyages à «forfait», donne de cette notion, à son article 2, point 1, une définition aux termes de laquelle il suffit, pour qu'une prestation puisse être qualifiée de «forfait», d'une part, que la combinaison des services touristiques vendus par une agence de voyages à un prix forfaitaire comprenne deux des trois services visés à la même disposition (à savoir le transport, le logement et les autres services touristiques non accessoires au transport ou au logement représentant une part significative dans le forfait) et, d'autre part, que cette prestation dépasse 24 heures ou inclue une nuitée.
  • Ladite définition ne comporte pas d'éléments impliquant que les voyages organisés à la demande et conformément aux spécifications d'un consommateur ou d'un groupe restreint de consommateurs ne peuvent être considérés comme des voyages à «forfait» au sens de la directive.
  • Cette interprétation est corroborée par le passage sous j) de l'annexe de la directive, qui prévoit que, parmi les éléments à inclure dans un contrat visé par la directive, figurent les «desiderata particuliers que le consommateur a fait connaître à l'organisateur ou au détaillant au moment de la réservation et que l'un et l'autre ont acceptés".

Pour conclure que :

Dans ces conditions, il convient de répondre à la première question que la notion de «forfait» visée à l'article 2, point 1, de la directive doit être interprétée en ce sens qu'elle inclut les voyages organisés par une agence de voyages à la demande et conformément aux spécifications d'un consommateur ou d'un groupe restreint de consommateurs".

Dès lors "Il convient donc de répondre à la seconde question que la notion de «combinaison préalable» employée à l'article 2, point 1, de la directive doit être interprétée en ce sens qu'elle inclut les combinaisons de services touristiques effectuées au moment où le contrat est conclu entre l'agence de voyages et le consommateur".

Quant au billet il s'agit d'un document en cours de validité établissant le droit au transport délivré ou autorité par le transporteur aérien.

II- Le droit à réparation

A- Principe

1- Le droit à indemnisation

Article 7

Dans les conditions du Règlement, les passagers reçoivent une indemnisation dont le montant est fixé à:

  • 250 euros pour tous les vols de 1500 kilomètres ou moins
  • 400 euros pour tous les vols intracommunautaires de plus de 1500 kilomètres et pour tous les autres vols de 1500 à 3500 kilomètres
  • 600 euros pour tous les vols qui ne relèvent pas des points précédents.

Pour déterminer la distance à prendre en considération, il est tenu compte de la dernière destination où le passager arrivera après l'heure prévue du fait du refus d'embarquement ou de l'annulation.

En cas de proposition de réacheminement vers sa destination finale sur un autre vol dont l'heure d'arrivée ne dépasse pas l'heure prévue du vol initial programmé :

de deux heures pour tous les vols de 1500 kilomètres ou moins, ou

de trois heures pour tous les vols intracommunautaires de plus de 1500 kilomètres et pour tous les autres vols de 1500 à 3500 kilomètres, ou

de quatre heures pour tous les vols ne relevant pas des points précédents,

le transporteur aérien effectif peut réduire de 50 % le montant de l'indemnisation prévue en principe.

2- Le droit à remboursement et prise en charge

Article 8

Le passager peut se voir proposer le choix entre :

  • Le remboursement du billet, dans un délai de sept jours, en espèces, par virement bancaire électronique, par virement bancaire ou par chèque, ou, avec l'accord signé du passager, sous forme de bons de voyage et/ou d'autres services et un vol retour vers leur point de départ initial dans les meilleurs délais.

ou

  • Le réacheminement vers leur destination finale, dans des conditions de transport comparables et dans les meilleurs délais, ou un réacheminement vers leur destination finale dans des conditions de transport comparables à une date ultérieure, à leur convenance, sous réserve de la disponibilité de sièges.

B- Les causes exonérantes

1- L'existence de circonstances exceptionnelles

L'article 5 3) énonce : "Un transporteur aérien effectif n'est pas tenu de verser l'indemnisation prévue à l'article 7 s'il est en mesure de prouver que l'annulation est due à des circonstances extraordinaires qui n'auraient pas pu être évitées même si toutes les mesures raisonnables avaient été prises".

Le considérant n° 14 :

"Tout comme dans le cadre de la convention de Montréal, les obligations des transporteurs aériens effectifs devraient être limitées ou leur responsabilité exonérée dans les cas où un événement est dû à des circonstances extraordinaires qui n'auraient pas pu être évitées même si toutes les mesures raisonnables avaient été prises. De telles circonstances peuvent se produire, en particulier, en cas d'instabilité politique, de conditions météorologiques incompatibles avec la réalisation du vol concerné, de risques liés à la sécurité, de défaillances imprévues pouvant affecter la sécurité du vol, ainsi que de grèves ayant une incidence sur les opérations d'un transporteur aérien effectif".

Dans la décision du 22 décembre 2008, Affaire C-549/07, les Juges de Luxembourg relèvent que "la notion de circonstances extraordinaires n’est pas au nombre de celles qui sont définies à l’article 2 du règlement n° 261/2004. Cette notion n’est pas davantage définie dans les autres articles dudit règlement".

Donc ils ont dû l'établir "conformément au sens habituel en langage courant de ceux-ci, tout en tenant compte du contexte dans lequel ils sont utilisés et des objectifs poursuivis par la réglementation dont ils font partie" pour en donnée une interprétation stricte.

2- Cas de force majeure ou phénomène naturel

Dans l'arrêt du 22 décembre 2008 précité, la Cour de justice de l'Union européenne devait répondre aux questions suivantes :

  • "L’article 5, paragraphe 3, du règlement n° 261/2004 doit-il être interprété en ce sens qu’un problème technique survenu à un aéronef et qui entraîne l’annulation d’un vol relève de la notion de «circonstances extraordinaires» au sens de cette disposition ou si, à l’inverse, cette notion couvre des situations d’autre nature qui ne résident pas dans des problèmes techniques.
  • Les circonstances extraordinaires au sens de l’article 5, paragraphe 3, du règlement [n° 261/2004] sont-elles des cas de force majeure ou des phénomènes naturels qui ne résident pas dans un problème technique et qui sont dès lors étrangers au transporteur aérien?"

Elle précise que pour déroger au principe d'indemnisation, les circonstances extraordinaires :

  • Se rapportent à un événement qui n’est pas inhérent à l’exercice normal de l’activité du transporteur aérien concerné et échappe à la maîtrise effective de celui-ci du fait de sa nature ou de son origine.

Elle complète :

  • Résoudre un problème technique provenant d’un défaut d’entretien d’un appareil doit donc être considéré comme inhérent à l’exercice normal de l’activité du transporteur aérien.

Donc :

  • Des problèmes techniques révélés lors de l’entretien des aéronefs ou en raison du défaut d’un tel entretien ne sauraient constituer, en tant que tels, des «circonstances extraordinaires» visées à l’article 5, paragraphe 3, du règlement n° 261/2004.

​​​​​​​L'affaire qui nous a amenés à revoir ce pan de droit résulte des conséquences de la foudre qui s’est abattue sur l'avion empêchant le transporteur de répondre à son obligation contractuelle :

  • "conformément aux règles de l’aviation civile, l’appareil, touché par la foudre à 8 h 39, avait été minutieusement examiné par des ingénieurs aéronautiques, lesquels avaient déclaré, à 9 h 32, que celui-ci, endommagé, ne remplissait plus les conditions de sécurité optimales"

 

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