15 Juillet 2018
Le droit des contrats a été réformé deux fois :
L'article 16 de la loi de ratification précise que :
Alors que certaines de ces dernières dispositions dites "interprétatives" auront vocation à s'appliquer à tous les contrats même conclus avant l'entrée en vigueur d'autres ne seront applicables qu'aux actes conclus ou établis à compter du 1° octobre 2018.
La loi interprétative est censée intervenir pour réparer les difficultés nées de la Loi adoptée qu'elle rectifie. Cette objectif justifie la rétroactivité de la loi, au même titre d'ailleurs que la loi de validation, alors que l'article 6 CESDH s'oppose à l'ingérence du pouvoir législatif dans l'administration de la Justice. Le principe de la séparation des pouvoirs justifie qu'il doit être impossible que le dénouement des litiges découle d'une influence du législateur : Prédominance du droit et de la notion de procès équitable.
"Attendu qu’il ne résulte ni des termes de la loi ni des travaux parlementaires que le législateur ait entendu répondre à un impérieux motif d’intérêt général pour corriger l’interprétation juridictionnelle de l’article L. 145-38 du Code de commerce et donner à cette loi nouvelle une portée rétroactive dans le but d’influer sur le dénouement des litiges en cours ; que dès lors, la cour d’appel, peu important qu’elle ait qualifié la loi nouvelle d’interprétative, a décidé à bon droit d’en écarter l’application ; que par ces motifs substitués à ceux de la décision attaquée, l’arrêt se trouve justifié" Cass Ass Plén 23 janvier 2004 n° 03-13617.
"En déclarant interprétative du texte originaire la rédaction donnée par l'article 6 de la loi du 4 janvier 1980 à l'article 10 de la loi du 31 décembre 1975, instituant au profit des locataires et occupants de locaux d'habitation, un droit de préemption lors de la vente de leur appartement, le législateur a expressément formulé sa volonté de soumettre à la règle ainsi explicitée toutes les situations contentieuses non encore résolues par une décision ayant acquis force de chose jugée" Cass 3civ 22 juin 1983, 81-15211.
Il nous revient de relever à la suite de la lecture de ces arrêts que le législateur :
Nous nous devons de nous arrêter sur la définition de la loi de validation en raison de la constante augmentation du législateur à recourir à ce type de lois de nos jours malgré la susceptibilité d'entraver le respect du droit et des libertés fondamentales. Car en effet, il s'agit d'une loi tendant à valider rétroactivement un acte administratif reconnu illégal par un juge ou susceptible de l'être.
C'est pourquoi, lors de son adoption, la loi de validation peut être déférée au Conseil constitutionnel. Dans une décision n° 2001-458, il a donné les conditions de validité de cet acte :
« Si le législateur, comme lui seul est habilité à le faire, a la faculté de valider un acte dont une juridiction est saisie ou susceptible de l'être, afin de prévenir les difficultés qui pourraient naître de sa censure, c'est aux conditions (cumulatives) suivantes :
La validation doit exempt de toute vocation à purger l'acte de toutes illégalités (DC 99-422).
Ceci étant précisé, il nous appartient de revenir en arrière pour reprendre les modifications entreprises par l'ordonnance de 2016 et faire un parallèle avec celles d'aujourd'hui.
I- Suppression et consécration de la jurisprudence
L'art 1101 du code civil : La définition
Par la loi de 1804 : Le contrat est une convention par laquelle une ou plusieurs personnes s'obligent, envers une ou plusieurs autres, à donner, à faire ou à ne pas faire quelque chose.
Par l'ordonnance de 2016 : Le contrat est un accord de volontés entre deux ou plusieurs personnes destiné à créer, modifier, transmettre ou éteindre des obligations.
Remplacement de "convention" par "un accord de volontés" et ses effets.
L'ancien art 1108 du code civil (au 1° octobre 2016) prévoyait quatre conditions essentielles :
Le nouvel art 1128 prévoit désormais :
La principale innovation : la disparition des termes "objet" et "cause licite dans l'obligation" en faveur d'un condensé "contenu licite et certain".
A la lecture des articles issus de la réforme par voie de délégation législative, il ressort une disparition des termes bonnes mœurs en faveur de l'ordre public.
Bien qu'en apparence, ces deux notions peuvent nous faire croire qu'elles se ressemblent, elles sont bien au contraire très différentes.
La première est fondée sur des comportements conformes à la morale et acceptables dans une société, selon une culture et dans une époque donnée. Elle est à rapprocher d'une identité, des origines d'une société.
La seconde se veut une protection de l'intérêt public et de l'intégrité de l'espèce humaine au sein d'un pacte social, une société où l'autorité publique définit les troubles à l'ordre public pouvant faire l'objet d'incrimination.
Bien que l'art 6 maintient la référence aux bonnes mœurs, les art 1162 et 1102 nouveaux l'évitent :
Identification de l'objet
L'art 1163 précise que "L'obligation a pour objet une prestation présente ou future. Celle-ci doit être possible et déterminée ou déterminable. La prestation est déterminable lorsqu'elle peut être déduite du contrat ou par référence aux usages ou aux relations antérieures des parties, sans qu'un nouvel accord des parties soit nécessaire".
Article 1166 "Lorsque la qualité de la prestation n'est pas déterminée ou déterminable en vertu du contrat, le débiteur doit offrir une prestation de qualité conforme aux attentes légitimes des parties en considération de sa nature, des usages et du montant de la contrepartie".
Une cour d'appel avait retenu l'indétermination du prix pour faire droit à la demande de nullité des conventions conclues entre un particulier et un professionnel pour la fourniture et l'entretien d'une installation téléphonique. Les juges retiennent que "si le prix de la location et de l'entretien de l'installation était déterminable, il n'en était pas de même du coût des modifications dont le bailleur s'était réservé l'exclusivité, le contrat se bornant sur ce point à mentionner l'application d'une plus-value de la redevance de location sur la base du tarif en vigueur".
Pour la Cour de cassation, "méconnaît les règles relatives à la détermination du prix et à l'exécution des conventions de bonne foi la cour d'appel qui annule, pour indétermination du prix, un contrat portant sur l'installation et l'entretien d'un matériel téléphonique et ses extensions futures, dès lors que ce contrat faisait référence à un tarif, de sorte que le prix était déterminable, et qu'il n'était pas allégué que le fournisseur ait abusé de l'exclusivité qui lui était réservée pour majorer son tarif dans le but d'en tirer un profit illégitime" (Cour de cass civile 1, 29 novembre 1994 n° 91-21009).
Dans un arrêt du 28 avril 1987, la chambre commerciale de la Cour de cassation juge que "la nullité des conventions pour défaut d’objet est une nullité absolue" (Cass com 28 avr 1987 n°86-16084 ).
La force obligatoire du contrat renforcée
Art 1178 nouveau "Un contrat qui ne remplit pas les conditions requises pour sa validité est nul. La nullité doit être prononcée par le juge, à moins que les parties ne la constatent d'un commun accord. Le contrat annulé est censé n'avoir jamais existé".
Le délégué législatif a créé l'art 1102 au sein du code civil "Chacun est libre de contracter ou de ne pas contracter, de choisir son cocontractant et de déterminer le contenu et la forme du contrat dans les limites fixées par la loi". Toutefois, cette liberté d'action est limitée car elle "ne permet pas de déroger aux règles qui intéressent l'ordre public".
Il renforce l'ancien art 1134 du code civil (au 1er octobre 2016) qui déclarait que "les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise".
Cet article est disloqué au sein du code civil et fait l'objet de trois dispositions :
La loi des parties de l'art 1103 du code civil reprend l'alinéa 1 de l'art 1134 "Les contrats légitimement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits",
La bonne foi de alinéa 3 de l'art 1134 il est repris à l'art 1104 du code civil qui l'étend à la négociation, à la formation et à l'exécution du contrat,
Le nouvel art 1193 reprend l'alinéa 2 "Les contrats ne peuvent être modifiés ou révoqués que du consentement mutuel des parties, ou pour les causes que la loi autorise".
Nullité absolue ou relative ou caducité ?
L'art 1179 nouveau distingue la nullité absolue lorsque "la règle violée a pour objet la sauvegarde de l'intérêt général" de la nullité relative lorsque "la règle violée a pour objet la sauvegarde d'un intérêt privé".
La chambre commerciale de la Cour de cassation avait estimé "la vente consentie sans prix sérieux est affectée d’une nullité qui, étant fondée sur l’absence d’un élément essentiel de ce contrat, est une nullité absolue soumise à la prescription trentenaire de droit commun" (Cass. com 23 octobre 2007 n° 06-13979 - Jurisprudence antérieure à la réforme des prescriptions de juin 2008).
La troisième chambre civile de la Cour de cassation a confirmé que l'action en nullité de la vente d'un immeuble fondée sur le caractère vil, fictif ou dérisoire du prix est "nul pour défaut de cause, la cour d'appel en a exactement déduit, par ces seuls motifs, que l'action en nullité de ce contrat, qui relevait d'intérêt privé et, s'agissant d'une nullité relative, était soumise à la prescription quinquennale, était prescrite" (Cass 3civ 11 février 2014 n° 12-25.756).
En principe l'intérêt de la distinction réside dans les conditions de l'action et non plus dans le délai d'action. La loi du 17 juin 2008 est venue harmoniser à 5 ans, art 2224 "Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.
Pour autant, en étudiant ces deux décisions, nous pouvons nous apercevoir que la frontière entre ces deux notions est perméable.
Le nouvel article 1186 énonce : Un contrat valablement formé devient caduc si l'un de ses éléments essentiels disparaît.
Lorsque l'exécution de plusieurs contrats est nécessaire à la réalisation d'une même opération et que l'un d'eux disparaît, sont caducs les contrats dont l'exécution est rendue impossible par cette disparition et ceux pour lesquels l'exécution du contrat disparu était une condition déterminante du consentement d'une partie.
La caducité n'intervient toutefois que si le contractant contre lequel elle est invoquée connaissait l'existence de l'opération d'ensemble lorsqu'il a donné son consentement.
La consécration de l’opposabilité du contrat au tiers
Article 1200 : Les tiers doivent respecter la situation juridique créée par le contrat.
Il s'agit de la reconnaissance de la jurisprudence sur la situation juridique créée par le contrat sur les tiers.
Dans un arrêt du 6 février 1952, la première chambre civile de la Cour de cassation considère que "si, en principe, les conventions ne sont pas opposables à ceux qui n’y ont pas été parties, il ne s’ensuit pas que le juge ne puisse pas rechercher dans les actes étrangers à l’une des parties en cause des renseignements de nature à éclairer sa décision, ni ne puisse considérer comme une situation de fait vis-à-vis des tiers les stipulations d’un contrat" (Cass 1civ 6 fév 1952).
La volonté de sauvegarder le rôle essentiel de la cause
La contrepartie
L'art 1106 et 1107 ancien se retrouvent en l'art 1107 "Le contrat à titre onéreux lorsque chacune des parties reçoit de l'autre un avantage en contrepartie de celui qu'elle procure.
Il est à titre gratuit lorsque l'une des parties procure à l'autre un avantage sans attendre ni recevoir de contrepartie".
L'alinéa premier aborde le contrat à titre onéreux où la contrepartie est nécessaire pour exister.
Auparavant
L'art 1131 "L'obligation sans cause, ou sur une fausse cause, ou sur une cause illicite, ne peut avoir aucun effet".
L'art 1133 "La cause est illicite, quand elle est prohibée par la loi, quand elle est contraire aux bonnes moeurs ou à l'ordre public".
Le but du contrat
L'art 1162 "Le contrat ne peut déroger à l'ordre public ni par ses stipulations, ni par son but, que ce dernier ait été connu ou non par toutes les parties".
Auparavant
Art 1132 cc "La convention n'est pas moins valable, quoique la cause n'en soit pas exprimée".
Les ajouts au titre du droit économique
L’Ordonnance avait défini le contrat d’adhésion comme celui dont les conditions générales ont été "soustraites à la négociation" :
Article 1110 Le contrat de gré à gré est celui dont les stipulations sont librement négociées entre les parties.
Le contrat d'adhésion est celui dont les conditions générales, soustraites à la négociation, sont déterminées à l'avance par l'une des parties.
La loi de ratification le définit comme celui dont les clauses sont « non négociables » :
Le contrat de gré à gré est celui dont les stipulations sont négociables entre les parties.
Le contrat d'adhésion est celui qui comporte un ensemble de clauses non négociables, déterminées à l'avance par l'une des parties.
"selon l'article L. 133-2 du code de la consommation, devenu L. 211-1 du même code en vertu de l'ordonnance n° 2016-310 du 14 mars 2016, les clauses des contrats proposées par des professionnels à des consommateurs qui ne sont pas rédigées et présentées de façon claire et compréhensible s'interprètent en cas de doute dans le sens le plus favorable au consommateur ou au non-professionnel ; qu'ayant relevé, dans le paragraphe 4 du contrat, la contradiction existant entre la mention de pleine responsabilité pour les parties hautes du véhicule et la dernière phrase du paragraphe qui restreignait la responsabilité au montant de la franchise contractuelle, la cour d'appel, interprétant, en faveur du consommateur, ces stipulations qui n'étaient pas rédigées de façon claire et compréhensible, a retenu, à bon droit, qu'elles devaient se lire comme limitant la responsabilité de celui-ci à la franchise maximale de 900 euros" Cass 1civ 11 janvier 2017 n°15-25479.
"Les juges du fond déclarent nulle, à bon droit, une convention d'exclusivité dès lors qu'après avoir constaté qu'elle ne donnait aucune indication sur le prix de la fourniture de farine, ne se référait à aucun prix de marché et ne visait aucune place ni aucune mercuriale déterminée, il ont fait ressortir que la référence au cours en vigueur lors de chaque livraison, loin de se reporter à une indication sérieuse, précise et objective, revêtait un caractère potestatif laissant au fournisseur la possibilité de traiter à un prix fixé unilatéralement" Cass com du 21 mars 1983 n° 81-16770.
"Ne donne pas de base légale à sa décision la cour d'appel qui prononce la nullité de deux conventions passées entre un fabricant et un distributeur pour indétermination du prix, alors qu'elle relève que le contrat avait pour objet d'assurer l'exclusivité de la distribution des produits du fabricant par le distributeur, que comportant essentiellement des obligations de faire il ne s'identifiait pas avec les contrats de vente successifs nécessaires à sa mise en oeuvre, comprenant essentiellement des obligations de donner pour lesquelles il n'est pas allégué que la convention s'opposait à ce que les prix de vente fussent librement débattus et acceptés par les parties" Cass com du 22 janvier 1991 n° 88-15961
II- Les modifications pour 2018
Elle l'est également en cas d'incapacité ou de décès de son auteur.
Article 1117 de la loi de ratification : L'offre est caduque à l'expiration du délai fixé par son auteur ou, à défaut, à l'issue d'un délai raisonnable.
Elle l'est également en cas d'incapacité ou de décès de son auteur, ou de décès de son destinataire.