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L'espace d'Atoum

« J'étais solitaire dans le Nouou et inerte. Je ne trouvais pas d'endroit où je puisse me tenir debout, je ne trouvais pas de lieu où je puisse m'asseoir. La ville d'Héliopolis où je devais résider n'était pas encore fondée, le trône sur lequel je devais m'asseoir n'était pas encore formé...."

Le recours contre l'inscription au tableau de l'ordre

En 2011, à la suite d'études en droit et de l'obtention du certificat d'aptitude de la profession d'avocat, M X sollicite son inscription au barreau de Paris auprès du bâtonnier.

Par une décision du 28 mars 2012, le conseil de l'ordre, en la formation administrative restreinte, fait droit à la demande.

Cette acceptation fait l'objet d'un recours du procureur général près de la cour d'appel de Paris. Celle-ci rejette la demande d'inscription au barreau de M X au motif : en 2011, l'intéressé a fait l'objet d'une condamnation d'une peine d'emprisonnement avec sursis et une peine d'amende pour les infractions d'escroquerie et de recel de banqueroute commis entre 2005 et 2006. Les faits reprochés seraient contraires à l'honneur et à la probité malgré son parcours universitaire et l'expression de son repentir.

M X forme un pourvoi. Par un arrêt du 5 février 2014, la première chambre civile sanctionne les juges du fond au visa de l'article 455 du code de procédure civile. La Cour d'appel aurait manqué à son obligation d'examiner les éléments de preuve retenus par le conseil de l'ordre susceptibles de caractériser l'amendement de l'intéressé et d'établir son aptitude à exercer la profession d'avocat en conformité avec les principes énoncés essentiels à la fonction de l'auxiliaire de justice (cass 1civ 5 février 2014 n° 12-29824) .

L'affaire est renvoyée devant la cour d'appel de Versailles qui, elle aussi, rejettera la demande d'inscription au tableau de l'ordre par un arrêt du 26 mars 2015.

M X se pourvoit en cassation. Il prétexte que la cour d'appel a violé les art 631 du cpc, art 13 et 14 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 en se prononçant sur la saisine du procureur général près de la Cour d'appel de Versailles. Il soulève une incompétence territoriale au vu de sa demande d'inscription au barreau de Paris qui emporterait compétence du procureur général près de la Cour d'appel de Paris dont relève le TGI auprès duquel le barreau est établi.

Pour rejeter le pourvoi, les Hauts magistrats du quai de l'Horloge à Paris rappellent, dans un premier temps, que l'arrêt du 26 mars 2015 a été rendu sur renvoi après cassation. La Cour d'appel désignée comme juridiction de renvoi par la Cour de cassation se trouvait ainsi "compétente pour connaître du litige relevant à l'origine de la cour d'appel de Paris". Dans un second temps, ils confirment qu'il "appartenait, en conséquence, au procureur général près de la cour d'appel de Versailles, seul représentant du ministère public auprès de cette juridictionde saisir la cour d'appel désignée". Enfin, il précise "pouvoir que ne détenait pas le procureur général près de la cour d'appel de Paris".

Afin de pouvoir exercer en tant qu'avocat, l'intéressé doit soumettre une demande d'autorisation au Conseil de l'ordre. Cette décision devra être notifiée au procureur général près de la Cour d'appel concerné.

I- La soumission de l'exercice de la profession d'avocat à l'acceptation du Conseil de l'ordre

A l'obtention du CAPA, l'intéressé envoie une lettre au Bâtonnier pour son inscription au barreau de Paris. Le conseil de l'ordre accepte au vu du dossier soumis.

A- L'acceptation de l'inscription au tableau de l'ordre

1- L'appartenance à un barreau

L'art 15 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 et l'art 4 du décret n° 91-1197 du 27 nov 1991 précisent que les avocats font partie de barreaux qui sont établis auprès des tribunaux de grande instance (Un seul barreau peut être formé près de la Cour d'appel).

Un conseil de l'ordre, élu pour trois ans, a la charge de leur administration (renouvelable par tiers tous les ans). Pour Paris, la composition est de 42 membres alors que pour, par exemple, un barreau comprenant de 50 à 100 avocats disposant du droit de vote, il ne sera que de 12 membres. Tous les deux ans, un bâtonnier est élu pour sa présidence. 

Par ailleurs, tous les deux ans, les bâtonniers désignent celui d'entre eux chargé de les représenter pour traiter de toute question d'intérêt commun relative à la procédure d'appel (art 21 loi n° 71-1130 et art 6-1 décret n° 91-1197).

2- Sous conditions d'honneur et de probité

L'art 11 de la loi du 31 décembre 1971 prévoit que nul ne peut accéder à la profession d'avocat s'il a été "auteur de faits ayants donné lieu à condamnation pénale pour agissement contraires à l'honneur, à la probité ou aux bonnes moeurs".

Le décret n° 2005-790 du 12 juillet 2005 relatif aux règles de déontologie pose les principes essentiels de la profession en son Titre I. L'art 3 énonce qu'il "exerce ses fonctions avec dignité, conscience, indépendance, probité et humanité, dans le respect des termes de son serment. Il respecte en outre les principes d'honneur, de loyauté, de désintéressement, de confraternité, de délicatesse, de modération et de courtoisie". 

Afin de vérifier la droiture du candidat, un extrait du casier judiciaire, bulletin n° 3, daté de moins de 3 mois doit être joint aux pièces demandées. L'art 777 cpp indique qu'il s'agit d'un "relevé des condamnations suivantes prononcées pour crime ou délit". Il s'agit de condamnations les plus graves et ne peut donc n'être délivré qu'à la personne concernée ou à son représentant légal. 

M X a donc porté à connaissance des professionnels être l'auteur de délits.

B- L'existence de condamnations pénales

1- La nature de l'infraction

Le tribunal correctionnel l'avait condamné par un jugement du 27 janvier 2011 pour :

  • L'escroquerie est l'une des infractions intentionnelles, de ruse, les plus anciennes. L'ancien code pénal de 1791 disposait déjà en son art 35 "Ceux qui, par dol, ou à l'aide de faux noms ou de fausses entreprises, ou d’un crédit imaginaire, ou d'espérance ou de craintes chimériques, auraient abusé de la crédulité de quelque personne, et escroqué la totalité ou partie de leur fortune, seront poursuivis devant les tribunaux de district, et, si l'escroquerie est prouvée, le tribunal du district, après avoir prononcé la restitution et dommages-intérêts, est autorisé à condamner, par voie de police correctionnelle, à une amende qui ne pourra excéder 5000 livres et à un emprisonnement qui ne pourra excéder deux ans. En cas de récidive, la peine sera double. Tous les jugements rendus à la suite des délits mentionnés au présent article seront imprimés et affichés".

Aujourd'hui, l'art 313-1 cp "L'escroquerie est le fait, soit par l'usage d'un faux nom ou d'une fausse qualité, soit par l'abus d'une qualité vraie, soit par l'emploi de manœuvres frauduleuse, de tromper une personne physique ou morale et de la déterminer ainsi, à son préjudice ou au préjudice d'un tiers, à remettre des fonds, des valeurs ou un bien quelconque, à fournir un service ou à consentir un acte opérant obligation ou décharge".

Soulignons tout d'abord, la distinction entre l'abus de confiance et l'escroquerie : la remise du bien, légalement dans le premier cas, alors que pour le second cas, la remise s'effectue à l'aide de moyens frauduleux.

Ensuite, l'évolution de la jurisprudence sur la nécessité d'un préjudice, élément constitutif de l'infraction.

S'appuyant sur la lettre de l'art 313-1 cp, en 1991, la chambre criminelle avait affirmé qu'en l'absence de préjudice, un élément constitutif du délit d'escroquerie faisait défaut (cass crim 3 avril 1991 n° 90-81157).

Pour autant cette solution sera abandonnée pour l'émission de l'arrêt du 28 janvier 2015. La Cour de cassation estime que "Le préjudice, élément constitutif du délit d'escroquerie, n'est pas nécessairement pécuniaire et il est caractérisé dès lors qu'un acte opérant obligation n'a pas été librement consenti, mais a été obtenu par des moyens frauduleux". Seul suffirait alors la constatation de la remise de fonds résultant de tromperies emportant un consentement vicié de la victime (Cass crim 28 janvier 2015 n° 13-86772).

La peine encourue : 5 ans d'emprisonnement et 375 000 € d'amende - Aggravation de 7 à 10 ans et 750 000 € à 1 000 0000 € d'amende - Des peines complémentaires peuvent être prononcées, art 313-7 cp - Tentative punissable.

  • Pour le recel de banqueroute. Délit de conséquence, il suppose, au préalable, une infraction "crime ou délit" d'origine commise par une personne différente du receleur, art 321-1 cp.C'est l'argument que confirme la Cour de cassation "le recel de chose n'est caractérisé que si la chose détenu provient d'un crime ou délit initial dûment constitué". Dès lors "la décision de relaxe du chef du délit de banqueroute par détournement d'actif devait exclure toute qualification consécutive de délit de recel de chèques provenant du délit de banqueroute" (Cass crim 7 mars 2012 n° 88-739).

La banqueroute (punie de 5 ans d'emp + 75 000 € d'amende) : infraction d'origine qui concerne toutes les entreprises commerciales, individuelles et les professions libérales (condition préalable au même titre que l'ouverture d'une procédure collective consécutive à un état de cessation de paiement, art L 654-1 et s du code de commerce). L'art L 654-2 c com prévoit cinq cas dont le détournement d'actif. C'est ainsi qu'il a été jugé "coupable du délit de recel de banqueroute pour détournement d'actif" un gérant de société. Il aurait déposé sur le compte bancaire de la société Sud E, après en avoir falsifié l'ordre, un chèque établi au bénéfice d'une autre société S, gérée par le fils, et placée en liquidation judiciaire (Cass crim 25 fév 2014 n° 12-85514).

La peine encourue pour le recel : 5 ans d'emprisonnement et 375 000 € d'amende - Aggravation - Peines complémentaires, art 321-9 cp - Pas de répression de tentative.

2- Refus disproportionné au vu de ces infractions

Pour le Conseil de l'ordre des avocats, le refus d'inscription serait disproportionné au regard des diplômes universitaires, de sa réussite à l'examen d'entrée au CRFPA, de l'acquittement pour l'essentiel des condamnations pécuniaires et de la manifestation d'un repentir.

(Petite précision : Comme cela a été précisé plus haut, le barreau de Paris compte plus de 500 membres avocats. C'est pourquoi, il peut être crée une formation restreinte comptant 5 membres appelées à statuer sur l'inscription). 

Cette décision a été notifiée, dans les 15 jours de sa date, au procureur général près de la cour d'appel de Paris dont relève le TGI de rattachement du barreau et à l'avocat concerné, art 13 du décret n° 91-1197.

II- La soumission de la décision du conseil de l'ordre au contrôle du procureur général

Comme le prévoit l'art 14 du décret du 27 nov 1991 le procureur peut déférer à la cour d'appel une décision du conseil de l'ordre de son ressort. Toutefois, en cas de renvoi, celui-ci est défini par rapport à la juridiction saisie.

A- La saisine de la cour d'appel de Paris par le représentant du ministère public

1- Une garantie de l'ordre public

L’art 35 cpp modifié et l’art 39-1 créé (loi n° 2013-669) prévoient que les procureurs généraux ont pour mission de faire appliquer les orientations nationales par les procureurs de la République auprès des TGI de leur ressort pour garantir l’équité et l’impartialité de la loi pénale envers tout justiciable. Magistrat de l'ordre judiciaire, le procureur général est garant des libertés et de l'ordre public en tant que représentant du ministère public.

2- Pour la préservation des principes essentiels de la profession d'avocat

Pour rejeter la demande de M X, la première cour d'appel de Paris s'était appuyé sur la contradiction des condamnations pénales au regard de la droiture demandé au candidat à la fonction d'auxiliaire de justice.

Sur renvoi après cassation, la cour d'appel de Versailles confirme. C'est alors que M X argue de l'incompétence territoriale du procureur près de la cour d'appel de Versailles pour dénoncer la procédure.

B- La saisine de la cour d'appel de Versailles 

1- Juridiction de renvoi

Le demandeur au pourvoi prétextait, d'une part, que la cour d'appel de Versailles avait violé les art 13 et 14 du décret du 27 nov 1991 en se prononçant sur la saisine du procureur général près la cour d'appel de Versailles. Car en effet, seul devait être compétent pour former un recours le procureur général près de la cour d'appel dont relève le TGI auprès duquel le barreau concerné est établi.

Et que d'autre part, il y aurait eu violation de l'art 631 cpc qui prévoit que "Devant la juridiction de renvoi, l'instruction est reprise en l'état de la procédure non atteinte par la cassation". En conséquence, la cour d'appel de Versailles se devait de poursuivre l'instance qui s'etait déroulée auprès de la cour de Paris dont l'arrêt avait été partiellement cassé par la chambre criminelle de la Cour de cassation le 5 février 2015.

2- Dessaisissement du procureur général de Paris

Cet argument est inopérant en l'espèce ce qui emporte rejet du pourvoi. S'agissant de la contestation de la décision du conseil de l'ordre des avocats au barreau de Paris, il appartenait, il est vrai, au procureur général près la cour d'appel de Paris de débattre du problème. Ce qui fut le cas en l'espèce. Cependant, la Cour de cassation ayant désigné une autre cour d'appel, notamment celle de Versailles, il appartenait alors au procureur général près de cette juridiction de renvoi de se saisir de l'affaire.

Cass crim 1civ 12 mai 2016 n° 15-18739

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