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L'espace d'Atoum

« J'étais solitaire dans le Nouou et inerte. Je ne trouvais pas d'endroit où je puisse me tenir debout, je ne trouvais pas de lieu où je puisse m'asseoir. La ville d'Héliopolis où je devais résider n'était pas encore fondée, le trône sur lequel je devais m'asseoir n'était pas encore formé...."

La dissolution d'une association et les libertés en cause pour la protection de l'intérêt général

"L'autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuele, assure le respect de ce principe dans les conditions prévues par la loi" art 66 C. Pour autant, le Conseil d'Etat s'assure protecteur, lui aussi, des Libertés comme le confirme le vice président du Conseil d'Etat, lors d'un colloque le 26 juin 2016 " En France, la défense des libertés n’est l’apanage d’aucun juge, elle est une mission partagée entre le juge administratif et le juge judiciaire, chacun ayant des compétences exclusives à base constitutionnelle – la protection de la liberté individuelle pour le juge judiciaire, le contrôle des mesures prises pour la sauvegarde de l’ordre public pour le juge administratif.

Cette division des tâches est, en dépit de quelques variations entre jurisprudences administrative et constitutionnelle ou entre juge des référés et du fond, ancienne, stable, opérationnelle et protectrice pour nos concitoyens. Elle est l’un des acquis de notre Etat de droit"

Issu de la curia regis, au Moyen Age, l'expression Conseil d'Etat apparait sous Henri III, en 1578. Elle est dédiée au gouvernement intérieur du royaume et aux contentieux administratifs.

En 1790, l'Assemblée Constituante dissocie cette autorité administrative de l'autorité judiciaire. Cette traduction de la théorie de la séparation des pouvoirs garde tout de même l'idée que la puissance publique doit être jugée par une juridiction spécialisée.

Descendant direct du Conseil du Roi, depuis sa création en 1799 par l'art 52 de la Constitution du 22 frimaire an VIII (13 décembre 1799), le Conseil d'Etat est une juridiction suprême de l'ordre administratif. Le Premier Consul, Napoléon Bonaparte, lui donna une double mission : l'assistance à la rédaction de grands textes de l'exécutif et la résolution des litiges liés à l'administration.

C'est ainsi que par le biais deux ordonnances du 26 juillet 2016, le juge des référés du Conseil d'Etat refuse de suspendre le décret du 6 mai 2016 prononçant la dissolution d'associations accusées de répandre une idéologie contraire à l'ordre public.

Il s'agira dans un premier temps de donner les fondements du décret du 6 mai 2016 pour ensuite aborder la remise en cause des libertés, nécessité pour la protection de l'intérêt général qu'il faut sauvegarder de toutes dérives d'ordre privé.

I- Le fondement du décret de dissolution du président de la République

La loi du 10 janvier 1936 est à l'origine de la possibilité de dissoudre une organisation qui représenterait un danger pour l'ordre public.

A- La loi du 10 janvier 1936 relative aux groupes de combat et aux milices privées

1- Pour les groupes de combat 

Votée en réaction aux ligues d'extrême droite responsables de l'émeute du 6 février 1934, cette loi a aussi été utilisée pour dissoudre d'autres organisations.

Pour la petite histoire, l'émeute du 6 février 1934 fait suite à l'affaire Stavisky survenue en 1934 où le régime fut soupçonné de corruption sous l'égide de l'escroc Alexandre Stavisky décédé d'une mort suspecte. Mais bon revenons à notre étude. 

Exemples de dissolutions :

Sous le président de la République Albert Lebrun (mandat de 1932 à 1940 et réélu en 1939 à 1946)

  • La ligue d'Action française, de propragande et de recrutement du mouvement monarchiste, l'Action française : décret du 13 février 1936
  • Le parti franciste, parti fascite, collaborationnaliste, décret du 16 juin 1936

Sous le président de la République René Coty (mandat de 1954 à 1959)

  • Le Front de Libération National créé pour obtenir de la France l'indépendance de l'Algérie, décret du 29 juin 1957

2- La procédure

La loi précitée a été codifiée à l'art L 212-1 du code de la sécurité intérieure. Il reprend son art 1er "Seront dissous, par décret rendu par le Président de la République en conseil des ministres, toutes les associations ou groupements de fait" (le "seront" est remplacé par "sont" avec l'ordonnance de codification n° 2012--351 du 12 mars 2012).

En l'espèce l'association sera assimilée à un groupement de combat pour faire l'objet d'une dissolution par décret du président de la République sous le contrôle du Conseil d'Etat.

B- L'existence d'un danger pour l'ordre public

1- Les critères retenus

Les critères permettant la dissolution sont définis par l'art L 212-2 du code de la sécurité intérieure dont :

6° Ou qui, soit provoquent à la discrimination, à la haine ou à la violence envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée, soit propagent des idées ou théories tendant à justifier ou encourager cette discrimination, cette haine ou cette violence ;
7° Ou qui se livrent, sur le territoire français ou à partir de ce territoire, à des agissements en vue de provoquer des actes de terrorisme en France ou à l'étranger.

2- Propagande et recrutement pour un rejet des valeurs de la République

Le président de la République prononce la dissolution au motif que l'association...."participait, en lien étroit avec deux autres associations qui ont également fait l’objet d’une mesure de dissolution, à des activités d’endoctrinement, de recrutement et d’acheminement de candidats vers le jihad armé, entretenait des liens avec des personnes mises en cause dans des opérations de terrorisme et avait ainsi le caractère d’un groupement provoquant à la discrimination, à la haine ou à la violence envers un groupe de personnes en raison de leur non-appartenance à une religion au sens du 6° de l’article L. 212-1 du code de la sécurité intérieure et pouvait être regardée comme se livrant sur le territoire français à des agissements en vue de provoquer des actes de terrorisme en France ou à l’étranger au sens du 7° de cet article".

Le juge des référés va s'appuyer sur les notes blanches "précises et circonstanciées" établies par les services de renseignements et versées au débat pour conforter la dissolution contestée et confirmer que ce rejet des valeurs de la République par l'apologie du djihad armé et d'une mort en martyr ne porte pas "d'atteinte grave et manifestement illégale" aux libertés fondamentales énoncées par l'association, requérante.

II- Une contrariété aux libertés fondamentale dénoncée par la requérante

La requérante demandait au Conseil d'Etat d'annuler le décret du 6 mai 2016. La dissolution serait contraire aux droits et libertés fondamentaux. En parallèle, l'association souhaitait que le juge des référés du CE suspende à titre provisoire de la décision émanant du pouvoir souverain. 

A- De conscience et de religion

1- L'institution d'une protection

Tout d'abord en ce qui concerne la réligion :

La contradiction de toute religion est son objectif à la fois de paix entre les êtres humains mais aussi de tout acte de prosélytisme prônant une croyance abstraite et désincarnée. Cette contrariété est à l'origine de conflits entre elles mais aussi entre elles et l'Etat.

Afin d'assurer le libre exercice de cette liberté de croyance, et donc religieuse, la France a dû s'adapter pour rester neutre.

La République française ne reconnaît plus aucun culte aujourd'hui par l'effacement de toute distinction. 

Pour rester dans la neutralité, la France proclame la séparation de l'Eglise et de l'Etat avec la loi du 9 décembre 1905. 

Elle confirmera cette qualité de "laïque" de l'Etat français en l'art premier de la Constitution du 4 oct 1958 "La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances. Son organisation est décentralisée".

Faisant parti du bloc de constitutionnalité, l'art 10 de la DDHC de 1789 énonçait déjà que : "Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public établi par la Loi".

Cette liberté est consacrée à l'art 9 de la Convention Européenne des droits de l'Homme de 1950.

En ce qui concerne le principe de la liberté de conscience garantie par la République, elle découle d'une volonté de ne pas s'immiscer dans les croyances de chacun et de les faire respecter. D'ailleurs l'art 31 de la loi de 1905 énonce que "Sont punis de la peine d'amende prévue pour les contraventions de la 5ème classe et d'un emprisonnement de six jours à deux mois ou de l'une de ces deux peines seulement ceux qui, soit par voies de fait, violences ou menaces contre un individu, soit en lui faisant craindre de perdre son emploi ou d'exposer à un dommage sa personne, sa famille ou sa fortune, l'auront déterminé à exercer ou à s'abstenir d'exercer un culte, à faire partie ou à cesser de faire partie d'une association cultuelle, à contribuer ou à s'abstenir de contribuer aux frais d'un culte".

2- Lié à l'ordre public

L'art 10 DDHC "Nul ne doit être inquiété pour ses opinions...pourvu que leur manifestation ne trouble par l'ordre public" (nous ne reviendrons pas sur les critères déjà énoncés à la partie I).

B- D'association

1- Principe fondamental reconnu par les lois de la Républiques (PFRLR)

Bien que le Constituant consacra pour la première fois le droit d'association par la loi du 21 août 1790 des interdictions et des restrictions jalonnent le parcours de cette liberté pour aboutir à la loi du 1er juillet 1901.

Son art 2 prévoit que "Les associations de personnes pourront se former librement sans autorisation ni déclaration préalable, mais elles ne jouiront de la capacité juridique que si elles se sont conformées aux dispositions de l'article 5" (déclaration auprès du représentant de l'Etat, le Préfet du département du siège social.

Cette liberté contractuelle d'association a été érigé en PFRLR par le Conseil d'Etat dans sa déicion du 16 juillet 1971 n° 71-44 "Considérant qu'au nombre des PFRLR et solennellement réaffirmés par le préambule de la Constitution, il y a lieu de ranger le principe de la liberté d'association". Cette décision transforma le Conseil Constitutionnel en gardien des droits et libertés fondamentaux.

2- Fondé sur une cause ou objet licite

L'art 3 de la loi du 1er juillet 1901 énonce que « Toute association fondée sur une cause ou en vue d’un objet illicite, contraire aux lois, aux bonnes mœurs, ou qui aurait pour but de porter atteinte à l’intégrité du territoire national et à la forme républicaine du gouvernement, est nulle et de nul effet. » 

L'association présentait un danger pour l'ordre public. Elle avait déjà fait l'objet d'un décret de dissolution le 14 janvier 2016. Le Conseil d'Etat avait alors répondu favorablement en ordonnant la suspension de la décision prise en méconnaissance des droits de la défense et du contradictoire, en mars 2016.

 

CE, 401379, ordonnance du 26 juillet 2016, association ....

 

 

 

 
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