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L'espace d'Atoum

« J'étais solitaire dans le Nouou et inerte. Je ne trouvais pas d'endroit où je puisse me tenir debout, je ne trouvais pas de lieu où je puisse m'asseoir. La ville d'Héliopolis où je devais résider n'était pas encore fondée, le trône sur lequel je devais m'asseoir n'était pas encore formé...."

Le statut du témoin suspecté et la spécificité des perquisitions

Afin de protéger la société contre les désordres subis par la délinquance organisée, la loi n° 2016-731 du 3 juin 2016 est venue adapter la procédure pénale à l'évolution de la criminalité organisée suite aux actes de terrorisme.

Ces modifications sont entreprises notamment dans le cadre des perquisitions de nuit et les visites domiciliaires mais aussi dans l'obligation de comparaître même en l'absence de convocation préalable.

Pour comprendre, nous aborderons dans un premier point l'évolution de la procédure dédiée à l'audition de témoins suspecté (ou non) pour ensuite dans un second point discuter de celle qui s'applique en matière de perquisition et de visite domiciliaire.

I- La convocation à comparaître dans le cadre d'une audition

A- Dans le cadre de l'enquête préliminaire ou de flagrance

1- Version loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 : une convocation obligatoire en l'absence d'énonciation des droits et en l'absence de durée de rétention

Les art 62 et 78 al 2 dans leur version issue de la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 prévoient que les personnes convoquées par l'officier de police judiciaire sont tenues de comparaître pour les nécessités de l'enquête. A défaut de comparution volontaire de la personne convoquée ou lorsqu'il existe des raisons de craindre qu'elle ne répondra pas à la convocation, l'OPJ peut contraindre à comparaître par la force publique, avec l'autorisation préalable du procureur de la République.

Il était précisé que les personnes à l'encontre desquelles il n'existe aucune raison plausible de soupçonner qu'elles ont commis ou tenté de commettre une infraction ne peuvent être retenues que le temps strictement nécessaire à leur audition.

Lors d'une décision n° 2010-14/22 QPC du 30 juillet 2010, le Conseil const avait déclaré contraire à la Constitution l'art 62 du cpp alors que dans sa décision du 18 juin 2012 n° 2012-257, il déclarait conforme l'art 78 cpp à la Constitution tout en émettant des réserves.

2- L'abrogation de l'art 62 et le maintien de l'art 78 cpp respectant un juste équilibre entre la prévention des atteintes à l'ordre public et l'exercice des droits et libertés fondamentaux

Les 62 et 78 cpp ont en commun qu'ils régissent la convocation et l'audition des témoins et suspects dans le cadre de l'enquête qui leur est propre.

Le Conseil constitutionnel est saisi par la Cour de cass d'une QPC relative à l'art 78 du ccp (enquête préliminaire) dans sa version de 2004 rédigée ainsi :

L’article 78 du code de procédure pénale est-il contraire aux droits et libertés garantis par la Constitution, et notamment au respect des droits de la défense qui découle de l’article 16 de la Déclaration de 1789 et à la liberté individuelle que l’article 66 de la Constitution place sous la protection de l’autorité judiciaire, en ce qu’il permet à un officier de police judiciaire de convoquer, voire de contraindre à comparaître, et d’entendre une personne suspectée d’avoir commis une ou plusieurs contraventions, sans que lui soit notifié son droit au silence et son droit à ne pas s’auto-incriminer ?”(Crim 11 avril 2012 n° 11-87333).

  • Sur l'autorisation de l'usage de la contrainte pour faire comparaître une personne soupçonnée d'avoir commis une contravention,
  • Sur l'autorisation d'auditionner le suspect conduit par la contrainte devant l'OPJ sans limitation de durée et sans notification de ses droits (dont celui de garder le silence)

Le Conseil considère qu'il n'y a aucun grief et donc aucun motif de déclarer inconstitutionnelles les dispositions dénoncées "qu'en imposant que toute personne convoquée par un OPJ soit tenue de comparaître et en prévoyant que l’officier de police judiciaire puisse, avec l’autorisation préalable du procureur de la République, imposer cette comparution par la force publique à l’égard des personnes qui n’y ont pas répondu ou dont on peut craindre qu’elles n’y répondent pas, le législateur a assuré entre la prévention des atteintes à l’ordre public et la recherche des auteurs d’infraction, d’une part, et l’exercice des libertés constitutionnellement garanties, d’autre part, une conciliation qui n’est pas déséquilibrée".

B- Dans la protection des droits des témoins suspectées ou non

1- Version loi n° 2011-392 du 14 avril 2011 relative à la GAV complétée des réserves émises par le Conseil Constitutionnel : Obligation d'information des droits du témoin

L'art 61 al 2 reprend les quatre premiers alinéas de l'art 62 abrogé

L'art 62 est complété par un deux ajouts :

Les personnes à l'encontre desquelles il n'existe aucune raison plausible de soupçonner qu'elles ont commis ou tenté de commettre une infraction ne peuvent être retenues que le temps strictement nécessaire à leur audition, sans que cette durée ne puisse excéder quatre heures.
S'il apparaît, au cours de l'audition de la personne, qu'il existe des raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis ou tenté de commettre un crime ou un délit puni d'une peine d'emprisonnement, elle ne peut être maintenue sous la contrainte à la disposition des enquêteurs que sous le régime de la garde à vue. Son placement en garde à vue lui est alors notif
ié dans les conditions prévues à l'article 63.

Dans sa décision n° 2011-191/194/195/196/197 QPC du 18 novembre 2011, le Conseil constitutionnel a rappelé que le respect des droits de la défense exige qu’une personne à l’encontre de laquelle il apparaît, avant son audition ou au cours de celle-ci, qu’il existe des raisons plausibles de soupçonner qu’elle a commis ou tenté de commettre une infraction pour laquelle elle pourrait être placée en garde à vue, ne puisse être entendue ou continuer à être entendue librement par les enquêteurs "que si elle a été informée de la nature et de la date de l’infraction qu’on la soupçonne d’avoir commise et de son droit de quitter à tout moment les locaux de police ou de gendarmerie ; que, sous cette réserve applicable aux auditions réalisées postérieurement à la publication de la présente décision, les dispositions du second alinéa de l’article 62 du code de procédure pénale ne méconnaissent pas les droits de la défense"

La loi n° 2011-392 insèrera également à l'art 78 cpp la règle aux termes de laquelle un suspect ne peut être entendu sous la contrainte que dans le cadre de la garde à vue et que l'audition du témoin ne peut excéder quatre heures.

Dans sa décision n° 2012-257 QPC du 18 juin 2012, le Conseil constitutionnel a rappelé que le respect des droits de la défense exige qu'une personne à l'encontre de laquelle il apparaît, avant son audition ou au cours de celle-ci, qu'il existe des raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis ou tenté de commettre une infraction, ne puisse être entendue ou continuer à être entendue librement par les enquêteurs que si elle a été informée de la nature et de la date de l'infraction qu'on la soupçonne d'avoir commise et de son droit de quitter à tout moment les locaux de police ou de gendarmerie ; que, sous cette réserve applicable aux auditions réalisées postérieurement à la publication de la présente décision, les dispositions du premier alinéa de l'article 78 du code de procédure pénale ne méconnaissent pas les droits de la défense.

2- Version issue de la loi du 27 mai 2014 portant transposition de la directive 2012/13/UE du Parlement européen et du Conseil, du 22 mai 2012, relative au droit à l'information dans le cadre des procédures pénales : création du statut de la personne suspectée

Création de l'article 61-1 "La personne à l'égard de laquelle il existe des raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis ou tenté de commettre une infraction ne peut être entendue librement sur ces faits qu'après avoir été informée :

1° De la qualification, de la date et du lieu présumés de l'infraction qu'elle est soupçonnée d'avoir commise ou tenté de commettre ;
2° Du droit de quitter à tout moment les locaux où elle est entendue ;
3° Le cas échéant, du droit d'être assistée par un interprète ;
4° Du droit de faire des déclarations, de répondre aux questions qui lui sont posées ou de se taire ;
5° Si l'infraction pour laquelle elle est entendue est un crime ou un délit puni d'une peine d'emprisonnement, du droit d'être assistée au cours de son audition ou de sa confrontation, selon les modalités prévues aux articles 63-4-3 et 63-4-4, par un avocat choisi par elle ou, à sa demande, désigné d'office par le bâtonnier de l'ordre des avocats ; elle est informée que les frais seront à sa charge sauf si elle remplit les conditions d'accès à l'aide juridictionnelle, qui lui sont rappelées par tout moyen ; elle peut accepter expressément de poursuivre l'audition hors
 la présence de son avocat ;
6° De la possibilité de bénéficier, le cas échéant gratuitement, de conseils juridiques dans une structure d'accès au droit..."

Art 62 al 3 précise que le témoin suspecté ne peut être maintenu sous contrainte à la disposition des enquêteurs que sous régime de la GAV.

3- Version complétée par la loi n° 2016-731 du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisée, le terrorisme et son financement...

Art 61 complété en son al 3 "Les personnes convoquées par lui sont tenues de comparaître. L'officier de police judiciaire peut contraindre à comparaître par la force publique les personnes visées au premier alinéa. Il peut également contraindre à comparaître par la force publique, avec l'autorisation préalable du procureur de la République, les personnes qui n'ont pas répondu à une convocation à comparaître ou dont on peut craindre qu'elles ne répondent pas à une telle convocation. Le procureur de la République peut également autoriser la comparution par la force publique sans convocation préalable en cas de risque de modification des preuves ou indices matériels, de pressions sur les témoins ou les victimes ainsi que sur leur famille ou leurs proches, ou de concertation entre les coauteurs ou complices de l'infraction".

La loi reprendra le même complément pour l'al premier de l'art 78 concernant l'enquête préliminaire.

II- Les perquisitions et visites domiciliaires

A- Entre 6h du matin et jusqu'à 21h

1- A défaut violation de domicile et de la vie privée

Les visites domiciliaires ne peuvent s’effectuer qu’à partir de 6 h du matin et jusqu’à 21 h (art 76 et 59 cpp). A défaut, il y aurait violation de domicile et de la vie privée.
Néanmoins, comme pour l’enquête de flagrance, les perquisitions de nuit peuvent être réalisée avec l’autorisation du juge d’instruction ou du juge des Libertés et de la Détention.

Elles pourront être opérées en dehors des heures prévues par l’art 59 cpp (art. 706-89 à 706-94 du CPP).
La notion de domicile est élargie à la chambre d’hôtel "seul constitue un domicile, au sens de l'article 226-4 du Code pénal, le lieu où une personne, qu'elle y habite ou non, a le droit de se dire chez elle, quels que soient le titre juridique de son occupation et l'affectation donnée aux locaux" (Crim 22 janvier 1997 n° 95-81186).

2- Rappel de l'enquête préliminaire et de flagrance

Lorsque l’une des conditions de l’enquête de flagrance fait défaut, l’OPJ ne peut mener qu’une enquête préliminaire (voir art 53 et s).

La première, coercitive, a pour objectif d'empêcher les preuves de disparaître alors que la seconde vise à fournir un minimum d'éléments qui permettra au procureur de la République d'étudier l'opportunité des poursuites en toute connaissance de cause. C'est pourquoi, elle nécessite en principe l'accord de la personne qui la subit.

Les art 75 et s du cpp donne compétence à l’OPJ pour procéder à des enquêtes préliminaires soit sur les instructions du procureur de la République qui fixera un délai, soit d’office. Dans ce cas, les OPJ informent le procureur de la République si l’enquête est commencée depuis plus de six mois.

Si l’OPJ présume que le suspect qui a commis ou a tenté de commettre l’infraction est identifié, il en avise le procureur de la République.
Contrairement à l’enquête de flagrance, les perquisitions, visites domiciliaires et saisies de pièces ou de biens doivent obtenir l’assentiment exprès, consigné dans un procès-verbal de la main de l’intéressé.
Par exception, pour les nécessités de l’enquête relative à un crime ou un délit puni d’une peine d’emprisonnement d’une durée égale ou supérieure à cinq ans, dont la confiscation est prévue à l’art 131-21 cp, le procureur de la république peut saisir le juge des Libertés et de la Détention du TGI pour obtenir l’autorisation d’agir sans le consentement du suspect.
B- Exception en matière de délinquance ou criminalité organisée

1- La délinquance et criminalité organisées

L'article 706-73 cpp a défini le champ de la délinquance et de la criminalité organisées. Il énumère la liste des infractions constitutives des formes les plus graves de criminalité et de délinquance organisées, afin de leur appliquer des règles procédurales spécifiques.

La loi n° 2016-731 du 3 juin 2016 a rajouté :

  • les crimes de destruction, dégradation et détérioration d'un bien commis en bande organisée (article 322-8 du code pénal) ;
  • le délit d'aide à l'entrée, à la circulation et au séjour irréguliers d'un étranger en France commis en bande organisée (article 21 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France)
  • le blanchiment et le recel du produit, des revenus, des choses provenant des autres infractions mentionnées dans le code pénal
  • L'art 706-74 modifié "Les infractions concernées sont les crimes et délits commis en bande organisée autres que ceux relevant de l'article 706-73 nouveau, ainsi que les délits d'association de malfaiteurs ayant pour objet de préparer un crime ou un délit puni d'au moins cinq ans d'emprisonnement et n'entrant pas dans le champ d'application de l'article 706-73 nouveau" (Sénat).

2- Les horaires de perquisitions et visites domiciliaires

Les articles 706-89 (enquête de flagrance) et 706-90 (enquête préliminaire) "Si les nécessités de l'enquête de flagrance relative à l'une des infractions entrant dans le champ d'application des articles 706-73 et 706-73-1 l'exigent, le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance peut, à la requête du procureur de la République, autoriser que les perquisitions, visites domiciliaires et saisies de pièces à conviction soient opérées en dehors des heures prévues par l'article 59".

Pour l'enquête préliminaire, il est ajouté "lorsque ces opérations ne concernent pas des locaux d'habitation" et "En cas d'urgence et pour les enquêtes préliminaires concernant une ou plusieurs infractions mentionnées au 11° de l'article 706-73, ces opérations peuvent toutefois concerner des locaux d'habitation en dehors des heures prévues à l'article 59 lorsque leur réalisation est nécessaire afin de prévenir un risque d'atteinte à la vie ou à l'intégrité physique".

3- L'assentiment aux perquisitions et visites domiciliaires

Article 706-94 "Lorsque, au cours d'une enquête de flagrance ou d'une instruction relative à l'une des infractions entrant dans le champ d'application des articles 706-73 et 706-73-1, la personne au domicile de laquelle est faite une perquisition est en garde à vue ou détenue en un autre lieu et que son transport sur place paraît devoir être évité en raison des risques graves soit de troubles à l'ordre public ou d'évasion, soit de disparition des preuves pendant le temps nécessaire au transport, la perquisition peut être faite, avec l'accord préalable du procureur de la République ou du juge d'instruction, en présence de deux témoins requis dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 57, ou d'un représentant désigné par celui dont le domicile est en cause.
Les dispositions du présent article sont également applicables aux enquêtes préliminaires, lorsque la perquisition est faite sans l'assentiment de la personne dans les conditions prévues aux articles 76 et 706-90. L'accord est alors donné par le juge des libertés et de la détent
ion".

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