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L'espace d'Atoum

« J'étais solitaire dans le Nouou et inerte. Je ne trouvais pas d'endroit où je puisse me tenir debout, je ne trouvais pas de lieu où je puisse m'asseoir. La ville d'Héliopolis où je devais résider n'était pas encore fondée, le trône sur lequel je devais m'asseoir n'était pas encore formé...."

Les sanctions pécuniaires lors de l'emploi de travailleurs étranger sans ni titre de séjour ni autorisation de travail

Conseil d'Etat Ass 12 octobre 2018 n° 408567

Préalablement les dispositions du code du travail opposables :

Article L. 8251-1 :

"Nul ne peut, directement ou indirectement, embaucher, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France (...)

Article L. 5221-8 :

"L'employeur s'assure auprès des administrations territorialement compétentes de l'existence du titre autorisant l'étranger à exercer une activité salariée en France, sauf si cet étranger est inscrit sur la liste des demandeurs d'emploi tenue par l'institution mentionnée à l'article L. 5312-1".

Article L. 8253-1 de ce code, dans sa rédaction en vigueur à la date des manquements relevés à l'encontre de l'employeur :

"Sans préjudice des poursuites judiciaires pouvant être intentées à son encontre, l'employeur qui a employé un travailleur étranger en méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1 acquitte une contribution spéciale. Le montant de cette contribution spéciale est déterminé dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat et est au moins égal à 5 000 fois le taux horaire du minimum garanti prévu à l'article L. 3231-12 (...). / L'Office français de l'immigration et de l'intégration est chargé de constater et de liquider cette contribution. / Elle est recouvrée par l'Etat comme en matière de créances étrangères à l'impôt et au domaine (...) ".

Le même manquement est sanctionné, en vertu des dispositions combinées des articles L. 8253-1 et R. 8253-2 du code du travail dans leur rédaction en vigueur à la date de la décision des juges du fond, dont ceux-ci ont fait à bon droit application eu égard à leur caractère de loi nouvelle plus douce, d'une contribution spéciale dont le montant est égal à 5 000 fois le taux horaire du minimum garanti prévu à l'article L. 3231-12 de ce code, réduit à 2 000 fois ce même taux en cas de non-cumul d'infractions ou en cas de paiement spontané par l'employeur des salaires et indemnités dus au salarié étranger et à 1 000 fois ce taux en cas de paiement spontané de ces salaires et indemnités, si le procès-verbal d'infraction ne mentionne l'emploi que d'un seul étranger sans titre.

Article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile :

"Sans préjudice des poursuites judiciaires qui pourront être engagées à son encontre et de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail, l'employeur qui aura occupé un travailleur étranger en situation de séjour irrégulier acquittera une contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine (...) ".

Les faits :

Le 13 juin 2012, un salon de coiffure exploité par une société commerciale fait l'objet d'un contrôle effectué par des agents de la police nationale.

Le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration estime que cet employeur avait engagé deux travailleurs étrangers démunis de titre de séjour et d'autorisation de travail.

Par une décision du 13 novembre 2013, l'employeur est sommé de payer les sommes de 34 400 et 4 618 € au titre, respectivement, de la contribution spéciale prévue à l'article L8253-1 CT et de la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement prévue à l'art L626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA).

Le 12 décembre 2013, des titres de perception sont émis pour leur recouvrement.

A la suite de la saisie de l'employeur, par un jugement du 21 octobre 2014, le tribunal administratif décharge partiellement cet employeur de la contribution spéciale et de la contribution forfaitaire mises à sa charge. Il le décharge totalement de l'obligation de payer les sommes qui lui étaient réclamées par les titres de perception émis le 12 décembre 2013.

Par un arrêt du 30 décembre 2016, la cour administrative d'appel réforme le jugement sur les appels tant de l'employeur que de l'Office français de l'immigration et de l'intégration.

Elle rejette les conclusions de l'employeur dirigées contre la décision du 13 novembre 2013 et confirme la décharge de l'obligation de payer résultant des titres de perception du 12 décembre 2013.

L'employeur se pourvoit en cassation contre cet arrêt en tant qu'il rejette son appel et, faisant partiellement droit à celui de l'Office, réforme le jugement du tribunal administratif de Paris.

La décision de rejet du Conseil d'Etat :

Tout d'abord, il rappelle que :

L'article L. 8253-1 du code du travail et de l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile énoncent que les contributions qu'ils prévoient ont pour objet de sanctionner les faits d'emploi d'un travailleur étranger séjournant irrégulièrement sur le territoire français ou démuni de titre l'autorisant à exercer une activité salariée, sans qu'un élément intentionnel soit nécessaire à la caractérisation du manquement.

Toutefois, un employeur ne saurait être sanctionné sur le fondement de ces dispositions, qui assurent la transposition des articles 3, 4 et 5 de la directive 2009/52/CE du Parlement européen et du Conseil du 18 juin 2009 prévoyant des normes minimales concernant les sanctions et les mesures à l'encontre des employeurs de ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, lorsque tout à la fois :

  • d'une part, et sauf à ce que le salarié ait justifié avoir la nationalité française, il s'est acquitté des obligations qui lui incombent en vertu de l'article L. 5221-8 du code du travail

et que,

  • d'autre part, il n'était pas en mesure de savoir que les documents qui lui étaient présentés revêtaient un caractère frauduleux ou procédaient d'une usurpation d'identité.

Pour estimer que la cour n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant que l'employeur requérant ne pouvait utilement invoquer ni l'absence d'élément intentionnel du manquement qui lui était reproché, ni, dès lors qu'elle ne soutenait pas sérieusement avoir respecté les obligations découlant de l'article L. 5221-8, sa prétendue bonne foi. 

Ensuite, il relève qu'aux termes de l'article 55 de la Constitution :

"Les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque accord ou traité, de son application par l'autre partie".

Ces dispositions impliquent, en cas d'incompatibilité entre ces deux normes, que le juge administratif fasse prévaloir le traité ou l'accord sur la loi, dès lors que celui-ci remplit les conditions ainsi posées à son application dans l'ordre juridique interne et crée des droits dont les particuliers peuvent directement se prévaloir.

Lorsqu'un traité ou un accord a fait l'objet de réserves, visant, pour l'Etat qui exprime son consentement à être lié par cet engagement, à exclure ou à modifier l'effet juridique de certaines de ses clauses dans leur application à son endroit, il incombe au juge administratif, après s'être assuré qu'elles ont fait l'objet des mêmes mesures de publicité que ce traité ou cet accord, de faire application du texte international en tenant compte de ces réserves. De telles réserves définissant la portée de l'engagement que l'Etat a entendu souscrire et n'étant pas détachables de la conduite des relations internationales, il n'appartient pas au juge administratif d'en apprécier la validité. 

Pour enfin préciser qu'aux termes de l'article 4, paragraphe 1, du protocole n° 7 à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :

" Nul ne peut être poursuivi ou puni pénalement par les juridictions du même Etat en raison d'une infraction pour laquelle il a déjà été acquitté ou condamné par un jugement définitif conformément à la loi et à la procédure pénale de cet Etat ".

La règle non bis in idem, telle qu’elle résulte de l’article 4, § 1, du protocole n° 7 à la CEDH, ne trouve à s’appliquer, selon la réserve accompagnant l’instrument de ratification de ce protocole par la France et publiée au JORF, à la suite du protocole lui-même, que pour les infractions relevant en droit français de la compétence des tribunaux statuant en matière pénale, et n’interdit ainsi pas le prononcé de sanctions administratives parallèlement aux décisions définitives prononcées par le juge répressif.

L’employeur soutenait que, par sa formulation trop générale, cette réserve méconnaissait les stipulations de l'article 57 de la convention, relatif aux réserves que les Etats peuvent formuler au moment de sa signature ou du dépôt de son instrument de ratification.

Pour les Hauts magistrats administratif, la cour administrative d'appel de Paris n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant qu'il n'appartenait pas au juge national de se prononcer sur la validité de cette réserve, non dissociable de la décision de la France de ratifier ce protocole, et en écartant en conséquence le moyen tiré de la contrariété des articles L. 8253-1 du code du travail et L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à l'article 4 du protocole n° 7 à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par ailleurs, en principe, l'autorité de la chose jugée au pénal ne s'impose à l'administration comme au juge administratif qu'en ce qui concerne les constatations de fait que les juges répressifs ont retenues et qui sont le support nécessaire du dispositif d'un jugement devenu définitif, tandis que la même autorité ne saurait s'attacher aux motifs d'un jugement de relaxe tirés de ce que les faits reprochés ne sont pas établis ou de ce qu'un doute subsiste sur leur réalité.

Il appartient, dans ce cas, à l'autorité administrative d'apprécier si les mêmes faits sont suffisamment établis et, dans l'affirmative, s'ils justifient l'application d'une sanction administrative.

Il n'en va autrement que lorsque la légalité de la décision administrative est subordonnée à la condition que les faits qui servent de fondement à cette décision constituent une infraction pénale, l'autorité de la chose jugée s'étendant alors exceptionnellement à la qualification juridique donnée aux faits par le juge pénal. 

Conclusion :

La cour n'a pas commis d'erreur de droit et n'a pas donné aux faits de l'espèce une qualification juridique erronée en jugeant que l'existence d'une décision pénale de relaxe, au motif que les faits d'emploi d'un étranger sans titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France n'étaient pas établis s'agissant de MmeB..., ne faisait pas obstacle au prononcé des sanctions administratives prévues par les articles L. 8253-1 du code du travail et L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

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